Egypte : Avenir Démocratique ou Dérive Autoritaire ?

An Egyptian protester waves a national flag over Tahrir Square, the focal point of Egyptian uprising as opponents of President Mohammed Morsi are gathered in Cairo, Egypt, Friday, June 28, 2013. Tens of thousands of backers and opponents of Egypt's Islamist president held competing rallies in the capital Friday and new clashes erupted between the two sides in the country's second largest city, Alexandria, in a prelude to massive nationwide protests planned by the opposition this weekend demanding Mohammed Morsi's removal. (AP Photo/Amr Nabil)L’Egypte est une pièce maitresse sur l’échiquier du Monde Arabe.  Nous vivons à un moment où, sous l’influence des idéologies fondamentalistes  fermées au progrès, les vents terroristes soufflent sur l’ensemble des pays arabes.  Les risques de propagation de ces vents vers le monde moderne ne sont pas mineurs.

Sans la diffusion d’une contre-idéologie ouverte au progrès, il ne peut pas y avoir de victoire durable sur  le terrorisme. Pour l’abattre, il faut vaincre le mode de pensée extrême qui le légitime.

Qui plus que l’Egypte est mieux placé pour le faire ? L’Egypte pèse très lourd que ce soit  du point de vue sociodémographique, plus de 80 millions d’habitants, ou du point de vue culturel, plus de 70% de la production culturelle dans le monde arabe.

Des études de terrain et des observations de longue durée montrent que l’Egypte a commencé à adopter les mêmes tendances socio-culturelles qui sont apparues en Europe dans les années 80 et qui caractérisent ce qu’Alain de Vulpian appelle la deuxième modernité. Cette deuxième modernité est notamment  faite d’une demande d’autonomie, de rejet des contraintes et de l’autorité hiérarchique, d’ouverture aux autres et d’un apprivoisement de la complexité, bref de tout ce qui s’oppose à ce que l’islamisme salafiste est en train de prêcher.

C’est le plein développement de ces tendances socio-culturelles, qui a conduit à ce que les gens ordinaires, des gens qui répondent à l’appel d’autres gens comme eux  (et non pas à l’appel de leaders, ou de partis ou de syndicats), renversent  le régime Moubarak  en 2011 et puis  renversent le régime des Frères musulmans en 2013, qui, par leur comportement dogmatique et autoritaire, ont antagonisé l’évolution des mentalités en Egypte.

L’Egypte s’oriente aujourd’hui vers de nouvelles élections présidentielles, et le maréchal Abdel  Fattah Al Sissi est donné comme favori. Al-Sissi avait donné le dernier coup de boutoir qui a achevé les Frères Musulmans au mois de Juin dernier.  Mais il ne l’a pas fait sans s’être assuré une couverture populaire inédite (une marche de 14 millions de personnes selon le Time Magazine), et une couverture des institutions religieuses musulmanes et chrétiennes et de diverses institutions et partis politiques.

Depuis à tous les grands tournants politiques il a demandé  l’aval du peuple. Beaucoup plus que n’importe quel autre dirigeant arabe, le mot peuple revient fréquemment dans son discours. A ses côtés se profile Amr Moussa, l’ex-ministre des Affaires Etrangères, que Moubarak avait écarté. Homme libéral, Amr Moussa a présidé la commission qui a donné à l’Egypte une nouvelle constitution, sans doute l’une des plus modernes du monde Arabe tant du point de vue des libertés que des droits de la femme.

Selon toute probabilité l’avenir de l’Egypte sera démocratique. Mais les risques de dérive autoritaire demeurent présents.  En effet les instituions égyptiennes ne sont pas familières avec la démocratie et il est à craindre que certaines habitudes passées ne reprennent le pas.  Il est à craindre aussi que  les actions terroristes qui se multiplient aujourd’hui  et qui ont visé récemment  un bus de touristes, ne conduisent pas à une politique plus restrictive des libertés.

Selon le célèbre psychosociologue Stanley Milgram, réputé pour ses travaux sur l’autorité : « Ce n'est pas tant le genre de personne qu'un homme est, mais plutôt  le genre de situation dans laquelle il se trouve qui détermine comment il agira ».

Il faudra donc veiller à ce que « la situation » en Egypte ne dérape pas, conduisant du même coup à un dérapage des hommes.

L’Union Européenne s’est rendue compte du dérapage Libyen un peu tard. Elle vise aujourd’hui à  enrayer le processus par des programmes qui favorisent une « démocratie profonde ». Le point commun de ces programmes est de « promouvoir la transparence et la responsabilité des institutions et une société civile forte ». En même temps ils soutiennent  « la diversification de l'économie et la création d'emplois tout comme les partenariats avec les entreprises et les investisseurs ». Ne faudrait-il pas, à titre préventif,  penser à des programmes pareils en Egypte?

 

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