Claude Henry, invité de la Matinale du Club le 8 novembre, est précis : nous pouvons encore émettre 700 Md de tonnes de CO² dans et l’atmosphère. Au-delà, la hausse de la température sera, irréversiblement, supérieure à 2° et dévastatrice. La plus grande partie des réserves (3000 Md de tonnes) doivent rester là où elles sont. Au rythme actuel des émissions, c’est une vingtaine d’années qui nous restent. Ça va vite, le temps est compté. Dans certaines parties du globe, la physique a parlé : la désertification est là, il faudra la technologie pour les garder vivables. Compter sur les gouvernements ne suffira pas. Quelques-uns sont convaincus, beaucoup sont timorés, certains —non des moindres depuis cette semaine— sont des hard deniers. Il faut des moteurs puissants pour entraîner les énergies au-delà des seuls militants et pour ouvrir des espaces où des mondes différents convergent en dépit de la divergence de leurs intérêts.
Cette force d’entraînement, Claude Henry la compare à la période d’incubation des années 1780 décrite par Alexis de Tocqueville dans le livre III de l’Ancien régime et la révolution : un foisonnement d’initiatives et de conflits féconds qui vont croissant par les multiples canaux de l’action, un mélange d’émulation, d’imitation et d’incitation. L’accord de Paris parait sans réel pouvoir à certains (toothless). Il sera un tremplin, un cadre de référence qui confortera les acteurs de la transition écologique et légitimera leur action.
Claude Henry tire plusieurs exemples de cette force protéiforme. Le fonds de l’université de Stanford fut le premier à décider de décarboner ses investissements, une goutte d’eau de 20 Md de dollars. L’idée s’est propagée, de grands investisseurs et des fonds souverains l’ont adoptée. Aujourd’hui 3 à 4000 milliards sont investis dans des fonds carbon free et suivent les principes du divest/ Invest (les fonds désinvestis se réinvestissent en tout ou partie dans des activités qui supportent la transition énergétique). Les investisseurs ont des motivations différentes mais au bout du compte ils convergent : certains craignent pour leur réputation, d’autres sont convaincus, beaucoup font leur métier et décident en fonction des rendements. Ceux-là peuvent suivre de nouveaux indices tel que le S&P Carbon Efficient Index et profiter de l’environnement favorable développé par les autorités de contrôle. Le climat n’est plus l’ennemi de la finance et réciproquement ; ce serait « une pierre reconnue par Alexis » dit Claude Henry. Toujours aux Etats-Unis une coalition, emmenée par le célèbre activiste Bill Mc Kibben, a obtenu du président Obama l’arrêt du projet d’oléoduc Keystone XL qui devait descendre les schistes bitumeux canadiens vers le golfe du Mexique.
En Australie, c’est une coalition de militants, de banques de financement et d’autorités publiques du Queensland, aidée par les médias, qui est en passe de faire capoter un projet de mine géante de charbon (20 Md de tonnes de réserves) soutenu par le gouvernement fédéral. Sa réalisation serait une catastrophe locale et sans doute mondiale puisqu’elle détournerait l’Inde (le client) d’accomplir sa transition énergétique. Au Pakistan, au Texas, aux Pays-Bas, c’est au tribunal que ça se passe : des Etats sont poursuivis par des citoyens pour non-protection de personnes en danger de changement climatique. Aux Etats-Unis, les procureurs généraux sont aussi de la partie, et certains, comme l'attorney general de NY ou celui du Massachusetts, enquêtent sur les industriels (Exxon, Peabody) soupçonnés d’avoir menti sur les conséquences du réchauffement.
Claude Henry garde sans cesse à l'esprit la contrainte de temps mais, en s’appuyant sur Alexis de Tocqueville, il nous livre une fantastique leçon d’optimisme ; une leçon qui tire sa force d’un bien à la portée de tous: la force de l’exemple. Marc Ullmann, le fondateur du club aimait à rappeler Pasteur : « il faut se dépêcher d’être utile » disait-il ; il faut se dépêcher de montrer l’exemple pourrait-on ajouter. Le temps presse!
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Nouvelles propositions de
Nouvelles propositions de Claude Henry pour poursuivre le débat.
https://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2018/09/05/claude-henry-trois-mesures-pour-sortir-du-desastre-ecologique_5350348_3232.html?xtmc=&xtcr=1
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