Passés les articles d’usage (fin des combat, retrait des armes lourdes, échanges des personnes retenues illégalement, etc.) les accords de Minsk II entérinent une partition de fait de l’Ukraine. Ils prévoient, au plus tard fin 2015, une réforme constitutionnelle avec comme élément clé, une décentralisation compte tenu des spécificités de certains arrondissements, les régions de Donetsk et de Louhansk notamment, disent les accords avec une précision lourde de sens.
Une note en bas de page détaille ce que décentralisation veut dire ici: nomination des procureurs, création de milices et possibilité pour des Etats étrangers de conclure, directement, des accords; c’est-à-dire, en fait, la dévolution de fonctions régaliennes. De son côté Kiev devra fournir un support social et économique à ces régions plutôt mal insérées dans les échanges internationaux, obligation qui a toutes les chances d’obérer une capacité financière chancelante. Pourquoi le gouvernement français a-t-il promu des accords si défavorables à l’intégrité ukrainienne ? Lucidité sur les rapports de force et la qualité, médiocre, des dirigeants et de l’Etat ukrainiens ? Volonté prioritaire de baisser le seuil de la violence ? Certainement. Plus lointainement l’Ukraine n’a jamais eu la cote dans la psyché gouvernementale et diplomatique française. Pendant la 1ère guerre mondiale, les dirigeants français qui planchaient sur la question des nationalités conclurent qu’une Ukraine indépendante n’était pas viable et que la meilleure solution était de la maintenir au sein d’une Russie largement fédéralisée. Paris doutait de la profondeur du sentiment national et s’opposait à tout ce qui pouvait gêner la Russie, son allié de revers. En 1919, pour les traités de paix, la France soutint les Etats-nations créés aux dépens de l’empire austro-hongrois (Pologne, Tchécoslovaquie, Yougoslavie) mais pas L’Ukraine, état-nation raté du nouvel ordre international; même devenue bolchévique, la Russie était préservée par Paris pour ses qualités géopolitiques. Aujourd’hui les épisodes de guerre intensifs mais maitrisés pour prendre le contrôle des régions russophones d’Ukraine sont acceptés au nom du même réalisme. Le gouvernement, comme les responsables qui disent haut et fort qu’il n’y avait pas de mal à annexer la Crimée, font le même choix qu’il y a un siècle : ménager un pouvoir autocrate mais jugé important pour la position et le standing de la France plutôt que répondre au désir d’indépendance et de liberté des Ukrainiens.
Commentaires
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Difficile d'y voir clair dans ces remous affectant l'ex URSS.
François Hollande et Angela Merkel ont cependant compris qu'il fallait sortir l'OTAN de la perception qu'a Poutine des risques en Ukraine.
Les maladresses accumulées par l'OTAN et les USA depuis quinze ans à propos de l'ex URSS sont considérables.
Cette stratégie n'enlève rien au grief envers Poutine, qui passe en force pour "aider" les russophones en Ukraine. La question des russophones s'est aussi posée dans les états baltes, et apparemment elle s'est calmée. Il faut donc reconnaître que Poutine n'excite pas systématiquement les question des russophones, mais que ce sont les russophones qui prennent des positions que Poutine soutient. Rappelons que les russophones de l'Est de l'Ukraine ont massivement voté l'appartenance à l'Ukraine en 1991, lors de l'éclatement de l'union soviétique. Avec l'incurie amplement démontrée du pouvoir Ukrainien depuis quinze ans, ces russophones ont tout simplement changé d'avis, et ce n'est pas Poutine qui leur a donné cette idée.
Alors ? L'accord de Minsk 2 est d'abord un accord de réalisme qui peut désamorcer durablement les tensions dans cette région. Le vrai problème, c'est cette Ukraine ingouvernable car faite d'ethnies, de langues, de religions qui n'ont de cesse de trouver des motifs d'affrontement. C'est l'âme slave, paraît il; elle a besoin d'autorité...Poutine plaît aux russes, n'en déplaise aux occidentaux.
Nous sommes incapables d'offrir aux slaves un modèle qui leur plaîrait plus. Il n'y a pas de "choc des civilsations", il y a des différences qui ne se gomment pas par la diplomatie musclée.
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Face aux conflits qui déchirent l'Ukraine, on ne peut s'empêcher de penser au "Choc des civilisations" de Samuel Huntington.
Du fait de la présence d'une majorité russophone dans l'est de ce pays, Samuel Huntington l'avait, en effet, placé sur la ligne de fracture entre les "civilisations" occidentale (judéo-chrétienne) et slave (orthodoxe).
Et, d'une certaine manière, prédit sa partition.
Ce qui se trame aujourd'hui en Ukraine et que souligne Philippe, n'est-il pas une forme de validation de la théorie défendue par le Choc des civilisations ?
Y a-t-il danger pour l'UE qui intègre des pays de "civilisation" slave (Roumanie, Bulgarie) ?
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