Le décalage est de plus en plus frappant entre les grandes entreprises multinationales et les PME qui constituent le tissu économique du pays. Les premières atteignent des taux de profits record et les secondes des taux de rentabilité extrêmement bas.
Ce décalage tient, pour une part, à l’écrasement des marges imposé par les premières aux secondes. Ainsi le profit remonte-t-il dans la sphère financière tandis que les patrons des PME et le personnel sont soumis à des contraintes de plus en plus fortes.
Cette coupure et cette opposition au sein du patronat est de plus en plus sensible et de plus en plus ressentie. A quand le nouveau syndicalisme patronal qui dirigera en priorité son action contre le capitalisme financier et non plus contre les syndicats de salariés.
Commentaires
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@François de Closets
Oui, beaucoup de PME françaises souffrent. Mais faut-il en vouloir aux grandes entreprises ? Votre conclusion est un peu simplificatrice.
Tout d'abord nous devons nous méfier du processus bien connu de "victimisation" (identifié par René Girard et d'autres) processus auquel cèdent facilements les perdants au jeu, quelqu'il soit. L'esprit humain a vite fait de trouver un "bouc émissaire" aux problèmes qu'il ne veut pas regarder en face.
Il existe des PME écrasées par des grandes entreprises, mais il existe aussi des PME hyperperformantes dans leur secteur. Il existe aussi des grandes entreprises écrasées par leurs concurrentes, qui sont parfois des PME...
Quand une entreprise est perdante dans la compétition économique, il faut en identifier les causes véritables. Seul un tel processus peut conduire au redressement éventuel par des mesures appropriées. Parmi ces mesures, il y a l'innovation profitable.
Dans le registre des mesures possibles, il ne faut pas confondre "Recherche" avec "innovation profitable". Faut-il rappeler le vilain adage en vogue en France : "nous avons beaucoup de chercheurs, mais pas beaucoup de trouveurs". La recherche est une condition nécessaire à l'innovation profitable, mais elle n'est pas suffisante...
C'est l'innovation profitable qui est le facteur principal du succès des entreprises, grandes ou petites, PME ou multinationales, françaises ou étrangères. Dans l'innovation profitable, il faut ranger la délocalisation à moindre coût, même si une telle classification fait hurler nos chers syndicats...
Notre économie "libérale" est guidée par le principe aujourd'hui incontournable de "profitabilité".
On peut le regretter, mais on ne peut pas s'en affranchir.
Certains arrivent quand même à s'en affranchir en réussissant à s'octroyer une situation de rente par la collectivité, mais c'est la minorité.
Dans ce champ mondial de compétition, certains réussissent, d'autres pas.
Les PME ne sont pas une catégorie vouée à l'échec, au contraire. Chacune a sa problématique propre, et son espace de potentialités. Leurs managers doivent en permanence observer, réfléchir, innover et mettre en place les mesures salutaires parce que profitables. Telle est la "condition humaine" des managers...
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A François de Closets
J'ai eu l'occasion de développer certaines des raisons qui conduisent à la situation des PME que vous décrivez ici, dans le billet
Il reste d'importantes réserves se profitabilité...
Pour ma part, je rejoins donc assez bien votre constat.
L'un des aspects qui est souvent oublié est que les "grandes entreprises" ,dont vous parlez et qui sont devenues non plus "internationales" mais bien "transnationales" avec une gouvernance largement "apatride", ne se considèrent plus comme étant de "quelque part".
Par ailleurs, ces grandes entreprises sont pratiquement toutes dans le monde du B2C ( Business To Consumer ) alors que les PME en question sont presque toujours dans le monde du B2B ( Business To Business ).
Les rapports entre acheteur et vendeur dans ces deux mondes sont totalement différents !
Dans le premier, aujourd'hui, la puissance à court terme est du coté du vendeur, de l'entreprise qui propose ses offres, avec marketing et publicité associés, et assez peu du côté de l'acheteur, du "consommateur" ( cf. par exemple en France la quasi impossibilité à créer l'équivalent des class action à l'américaine... )
Dans le second, aujourd'hui, la puissance à court termes est du côté du donneur d'ordres, de l'acheteur et assez peu du côté du "sous-traitant", du vendeur.
Le vendeur, qui est ici la PME, a bien du mal à innover réellement et durablement car cela demande de plus en plus de capital et de cash-flow, précisement cela même dont dispose (en général) les donneurs d'ordres. Ces grandes entreprises se nourrissent aussi de plus en plus des très fortes baisses de prix imposées par les acheteurs aux mêmes PME !
Pour pouvoir disposer de chercheurs de qualité il faut pouvoir leur payer un salaire correct et cela est rarement le cas et il faut aussi "oser" investir sans être absolument certain du résultat. Un plan d'étude et de recherche, même dans le secteur privé, n'est pas aussi fiable qu'un business plan sur un marché...
Qu'une PME arrive exceptionnellement à disposer d'une offre très différenciante dans une "niche" où elle peut être un leader, cela ne lui donne juste que quelques années pour la rentabiliser... à moins que son dirigeant ne trouve préférable, pour son sort personnel, de "vendre" sa PME à une grande entreprise, en lui cédant ainsi son avantage concurrentiel associé !
D' ailleurs, le secteur pharmaceutique fonctionne largement sur ce dernier modèle en laissant des TPE investir et prendre le risque de la recherche et les achètent, peu après leur dépôt de brevet d'une nouvelle molécule.
Le problème que vous soulevez n'est pas simple mais il est potentiellement destructeur .
Un tel processus ne risque pas de faire se développer un tissu de nouvelles PME innovantes...
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@ Henri-Paul Soulodre
Belle analyse qui met en lumière le problème des rapports de forces qui sont forcément (!) défavorables aux "moins forts".
Pour innover profitablement il faut de la sérénité, du temps, des capitaux "stables", de la visibilité : impossible quand on travaille sous pression, dans l'urgence du profit requis par des fonds d'"investissement" ou le harcèlement des costs-killers mandatés par les firmes trans-nationales !
Les lois et règlements sont les ultimes remparts pour aller vers un ré-équilibrage nécessaire de ces rapports de forces.
Quand Philippe Tixier parle de "notre" économie libérale (comme d'un fait définitif) qui est guidée par le fait "incontournable" de la profitabilité, il pointe une réalité mais oublie de la critiquer. Il dit qu'"on peut le regretter, mais pas s'en affranchir". Cela ressemble fort à une abdication sans conditions face à cette loi de la profitabilité, laquelle est destructrice au final : elle ne sert les intérêts que de quelques uns au détriment du grand nombre.
Pour faire accepter cette injustice, les libéraux la font passer pour une caractéristique "naturelle" du monde moderne, un monde violent construit sur le rapport des forces, prime au plus "fort", au plus "malin", sans considération éthique ou sociale. A terme cette vision mène au chaos social : et personne ne sera épargné...
Si le profit est ma nouvelle loi universelle et incontournable de l'économie mondialisée, il faut féliciter les grands trafiquants de drogue, d'armes, de sexe, car eux ont tout compris : profit élevés, pas de lois ni de syndicats, pas de concurrents réels (on "s'entend"), des clients soit achetables, soit captifs, le rêve du business quoi ?
Soit une vision aux antipodes de la société humaniste qu'il faudrait créer d'urgence !
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@ Philippe Tixier et Henri-Paul Soulodre : Une alerte est nécessairement courte et simplificatrice. Il est vrai que la
plus grande rentabilité des multinationales tient pour une large part à leur implication dans une économie mondiale en forte croissance.
Mais il demeure une politique générale consistant à externaliser toutes les fonctions non stratégiques vers des entreprises sous-traitantes qui sont en situation concurrentielle très difficile.
Il reste aussi une tendance au regroupement de la grande distribution qui tend à écraser les marges des producteurs. Ces phénomènes sont néfastes car la part de la richesse produite qui remonte dans la sphère financière n'alimente pas la consommation,elle ne fait pas
tourner l'économie mais contribue à la formation de bulles spéculatives.
On a donc des PME qui survivent dans les plus grandes difficultés avec un
personnel sous payé et sous consommateur et des profits qui entretiennent des excroissances financières incontrôlées. Ce système n'est pas bouclé sur lui-même, il manque de rétroactivité. Il est donc néfaste.
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