Ce sera donc le troisième saccage. Dans un cycle d’une quinzaine d’années, le pouvoir fédéral américain se sera rendu responsable de trois séries d’événements cataclysmiques : la guerre en Irak, la dérégulation spéculative de l’industrie financière à l’origine de la crise de 2007, aujourd’hui la déstabilisation des instruments diplomatiques et juridiques de la lutte contre le réchauffement climatique. Les conséquences de cette dernière ne sont pas encore mesurés mais ils sont à peu près certains : l’impossibilité de contenir la hausse du climat à 2° et le cortège de dévastations qui s’ensuivra. Les conséquences des deux premières sont connues et documentées : chaos et terrorisme pour l’une, ravages de l’endettement, chômage et populisme pour l’autre. Trois cataclysmes et deux conséquences: l’effondrement du leadership des Etats-Unis, la polarisation extrême de l’opinion américaine.
Pourquoi rapprocher ces événements ? Parce que les causes se rejoignent. Le système institutionnel américain permet à l’activisme extrême de se loger au cœur du pouvoir fédéral. Il tolère l’accaparement du bien public par des groupes d’intérêt étroits qui organisent un partage des bénéfices dont l’utilité sociale est marginale, voire nulle. L’idéologie et la cupidité sont l’apanage d’une toute petite minorité, il est rare que des groupes sociaux d’ampleur se reconnaissent dans ces valeurs. Régulièrement, elles acquièrent un pouvoir démesuré que le mensonge et la manipulation favorisent. Les contre-pouvoirs sont nombreux mais ils agissent quand le mal est fait. La guerre en Irak a été déclenchée par un groupe d’une dizaine d’individus déterminés. On a peu de recul, mais la décision de sortir des accords de Paris pourrait lui ressembler. La connivence de l’industrie financière et du pouvoir fédéral, garant de la régulation, est connue depuis longtemps. Le second a abdiqué sa volonté de contenir la première. « Il y a deux puissantes assemblées aux Etats-Unis : le Sénat et la maison Morgan » écrivait déjà Bertrand de Jouvenel au milieu du siècle dernier. Un système électoral vieillot, qui surreprésente un mid-west isolationniste et qui défie la modernité, achève de perpétuer ces déséquilibres. Au bout du compte, les institutions américaines ne réduisent pas les tensions, elles les exacerbent, à l’intérieur et, désormais, à l’extérieur.
Cessons de nous émouvoir des symptômes, regardons la cause : le fonctionnement du pouvoir fédéral américain est défaillant. En disant cela, on distingue clairement le génie de la nation américaine dont on a les preuves éclatantes qu’il demeure intact. Il faut agir parce que la masse des Etats-Unis ne permet plus d’accepter les divagations de quelques-uns, les dégâts sont trop lourds. Cette fois, le nombre de personnes humbles, souvent démunies, qui feront les frais de la décision accaparée par Trump, quelques idéologues et certaines industries fossiles et fossilisées se comptera en dizaines de millions. La modernité consiste, toujours, à restreindre des intérêts catégoriels et privés qui au fil du temps accaparent une part disproportionnée du bien public, protégée par leur présence au cœur des institutions. Les Américains ont un énorme chantier devant eux. Les ressorts de la démocratie américaine sont fantastiques mais son légalisme est aussi un frein à des évolutions de rupture.
La loi de l’histoire est sévère pour ceux qui produisent davantage de mal que de bien public. Elle ne s’arrêtera pas. Si les Américains ne font pas le job, un jour ou l’autre les Etats-Unis se feront dicter leur conduite par le reste du monde
Commentaires
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Je crois que la démocratie
Je crois que la démocratie états-uniène est plus résiliente qu'on ne le pense. Le président peut en effet engager son pays dans de mauvaises voies. Mais ce dernier a les moyens d'y résister. Voyez les réactions des grandes entreprises (y compris du secteur pétrolier), de certains états (la Californie par exemple), de plusieurs grandes métropoles (New-York, emblématique, bien sûr, mais également Pittsburg, ...) à la décision de leur président de se retirer de l'Accord de Paris.
Gageons qu'elle ne sera pas suivie d'autant d'effets qu'on peut le craindre.
Heureusement que les contre-pouvoirs fonctionnent bien, car il est vrai que le financement privé de la vie politique états-uniène favorise à l'extrême le pouvoir des lobbies.
N'oublions pas que, chez nous, malgré un financement plus "démocratique", les lobbies trouvent d'autres voies pour exercer leur (coupable) industrie.
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