Un peu plus d’humanité dans les algorithmes s'il vous plaît

Uber, Amazon et autres Deliveroo sont des aubaines pour les consommateurs. Mais le management de leurs collaborateurs évoque un taylorisme numérique qui devrait poser question aux citoyens et aux êtres humains que nous sommes.

Selon l’institut de l’interaction homme-machine de l’université américaine Carnegie-Mellon, le « management algorithmique » est l’innovation à la base de l’économie numérique.

Dans ce type d’économie, les collaborateurs ne sont pas encadrés par un supérieur hiérarchique mais par un algorithme en contact avec eux par l’intermédiaire de leur smartphone.

Pour des sociétés comme Uber, qui aspirent à « rendre le transport aussi fiable que la distribution d’eau », cette méthode de management permet une gestion « digitale » : donner des instructions, surveiller et évaluer une multitude de travailleurs occasionnels qui n’ont pas encore un statut d’employé et s’assurer qu’ils fournissent un service standardisé et réactif.

Il n’y a pas à l’échelle mondiale de statistiques fiables sur l’économie des petits boulots, mais aux USA quelques 800 000 personnes gagnent de l’argent de cette façon grâce à des plateformes en lignes comme TaskRabbit, Lyft, Uber et Deliveroo.

Si, dans une période économique difficile, il est sûr que des activités sont ainsi créées, il nous semble important de réfléchir à la place du capital humain dans ces types d’organisations.

Sous des airs futuristes (technologie de pointe, hyper réactivité, effet de masse,...) le management algorithmique fait écho à des méthodes du passé. Nous voyons se mettre en place une forme de taylorisme digital beaucoup plus « opérante et efficace» que le management humain. Ceci du fait de la technologie et des possibilités du numérique.

Si le consommateur est présenté comme gagnant dans ce type de pratiques, il nous semble que les citoyens ont à s’interroger sur la place de l’humain au travail dans l’économie actuelle.

Les choses ne sont pas noires ou blanches, elles sont grises. La technologie et le numérique apportent beaucoup de choses positives et innovantes dans des domaines aussi variés que la santé, le transport, l’éducation… La disruption économique que nous vivons est cependant tellement forte que des personnes vont rester sur le bord de la route de l’économie numérique et du développement.

Il nous semble fondamental, pour qu’un vivre ensemble soit possible et tenable, que nous nous questionnions.
L’être humain n’est pas seulement un consommateur ou un fournisseur de données. Il est un citoyen dans une société donnée à une époque donnée. Les techniques et les gains économiques ne doivent pas nous faire oublier la part des hommes.

Ce que nous entendons par la part des hommes, c'est le plus d'humanité et de sens que l'être au travail peut chercher, trouver ou ne pas trouver dans le travail. La part des hommes va bien au-delà de la « ressource humaine » ; c'est cet ensemble de mesurable et de non-mesurable qui a des effets sur la qualité des biens produits et sur la qualité des liens dans l'entreprise et dans la société.

Qu’en pensez-vous ? N’est-ce pas le  rôle de la société civile, de ses think tanks, clubs de réflexion et associations d’avancer sur  ce sujet ?

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Commentaires

Le billet d'Evelyne Bertin pose la question de ce que l'homme (au sens humain du terme) fait des possibilités techniques (en l’occurrence) ou de toutes les nouveautés. Leurs usages peuvent être bons ou mauvais selon le point de vue que l'on adopte.
Vu sur le plan des hommes, le management par les algorithmes (comme il est décrit) est perçu comme froid et peu humain et je partage ce point de vue. Vu par les actionnaires, et dans la mesure où ce mode de travail est plus performant, il peut être vu comme bénéfique et souhaité. La question est de savoir s'il est accepté.
Au final, il ressort que selon la direction, l'utilisation des technologies peut s'avérer excellente ou désastreuse sur le plan humain.
Ceci étant, je suis pour ma part un peu moins inquiet de cette situation car le passé, à travers l'analyse des mouvements d'organisations, depuis le taylorisme à nos jours, montre que généralement les modèles d'organisation des entreprises et du travail sont une réponse à l'environnement. Or ce dernier, et simplement en prenant en compte les souhaits des hommes, montre que ceux-ci recherchent du sens dans leur travail, la capacité à effectuer un travail valorisant et responsable. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on voit un certain nombre d'entreprises aller vers des modes d'organisation en réponse à ces souhaits (je pense à l'holacratie).
Certes, il y a encore des entreprises qui sont taylorisées, mais on peut se demander si cela ne les compromettra pas dans le futur. Que seront demain les entreprises citées dans ce billet ?
J'ai au sein du Club des Pilotes de Processus, que je préside, les mêmes discussions sur le management par les processus. Certains pensent que c'est une approche qui rigidifie l'entreprise et l'empêche d'être agile. Oui, si cette approche est comprise comme vouloir mettre de l'ordre ; non, si elle est comprise comme un moyen de connaître son fonctionnement de manière à savoir où agir.
Là encore, c'est la volonté du manager qui fait que l'approche mise en oeuvre offrira ou non une bonne réponse aux diverses parties prenantes dont les acteurs de l'entreprise font partie.

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