L’intervention en Libye part d’un bon sentiment. Il fallait agir vite si l’on voulait éviter le massacre des révoltés de Benghazi. L’accord obtenu à l’ONU est un heureux précédent pour légitimer l’ingérence humanitaire. Kadhafi est un horrible personnage. Tout cela est indéniable.
Il n’en est pas moins vrai que la décision a été prise sans que les contre arguments aient été sérieusement examinés. Citons-en quelques uns :
- Les « comités populaires » de Kadhafi quadrillaient un pays de structure tribale quatre fois grand comme la France et peuplé seulement de 6 millions d’habitants. Ils entravaient l’implantation de « katibas » djihadistes comme il y en a dans tout le Sahel, de la Mauritanie à la Somalie. A terme, une zone de non droit risque de s’installer jusqu’aux bords de la Méditerranée.
- En dépit de l’aval de l’ONU, l’intervention directe de puissances ex-coloniales ne peut être unanimement appréciée de tous les pays arabo-musulmans.
- L’intervention en Libye, couplée à la passivité à Bahreïn et autres lieux où sévit la répression, peut être interprétée comme un « deux poids deux mesures » essentiellement dicté par le souci de protéger l’Arabie Saoudite, N°1 mondial de l’exportation pétrolière.
- Les frappes aériennes ne pouvant être décisives et Kadhafi étant têtu, l’intervention risque de déboucher sur une guerre civile. Plus celle-ci sera longue, plus il y aura de morts. Si, finalement, grâce à l’appui de l’Otan et, en particulier, de la France et de l’Angleterre, les insurgés finissent par l’emporter, il faudra les aider à unifier le pays. Bon courage pour le « nation building » !
- L’instabilité en Libye a provoqué une augmentation d’environ 20% du prix du pétrole. Tant que les troubles persisteront, il y a peu de chance qu’une tendance baissière s’installe durablement. En effet, la Libye est le principal producteur africain et ses réserves prouvées se montent à près de 45 milliards de barils.
Tout cela ne signifie pas que l’intervention en Libye devait être évitée. Mais s’ils veulent être pris au sérieux, les gouvernements doivent prouver qu’ils ne sont pas seulement guidés par l’émotion, qu’ils comprennent la complexité des enjeux. A tout le moins, ils ont un devoir d’explication.
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