Les impacts du débat Royal Sarkozy sur l’affectivité publique et l’opinion publique

070504-RoyalSarkozy.jpgLe débat d'entre les deux tours entre Ségolène Royal et iest passé. Quel en a été le ton et l’impact possible sur les mentalités des Français ? Quels ont été les thèmes abordés et leur impact possible sur l’opinion des Français ?

1- Le ton et l’impact possible sur les mentalités des français

Les deux candidats se sont clairement positionnés sur les axes dominants des mentalités des Français. Nicolas Sarkozy sur le registre de l’effort et de l’autorité, correspondant à des sensibilités plus conservatrices, Ségolène Royal sur le registre de l’émotion et du partage, correspondant à des sensibilités plutôt progressistes. Toutefois dans sa conclusion Sarkozy a impacté sur deux aspirations montantes. Le besoin d’utilité « Tous les Français ont le droit de se sentir utile par leur travail ». Le besoin de pouvoir donner et recevoir « La France m’a tout donné, je veux tout lui rendre » Conforme à son propos Royal a conclut sur une France « paisible, sans brutalité » misant sur l’harmonie des énergies des territoires et des familles et sur les valeurs de la créativité et de l’imagination.

De façon naturelle l’approche de Mme Royal a été plus féminine, à base d’argumentation plus affective et « systémique ». Cela a déstabilisé son concurrent « vous mélangez tous les sujets » mais cette approche a été performante par exemple dans la mise en connexion du problème du Darfour et de l’attitude de la Chine. L’approche de Mr Sarkozy a été plus masculine à base d’argumentation rationnelle et méthodique. Cela a déstabilisé sa concurrente par exemple sur le problème de non transversalité des administrations dans la fonction publique. Royal a revendiqué le droit à la colère légitime, Sarkosy a mis l’accent sur le devoir de pondération.

Ce débat avait été présenté comme le remake des débats Giscard-Mitterrand. On note que Sarkosy a nettement repris l’argument du type « vous n’avez pas le monopole du cœur » alors que Royal n'a que très peu utilisé l’argument du type « vous êtres l’homme du passif ».

2 - Les thèmes et l’impact possible sur l’opinion des français

Chacun des candidats est resté clairement dans son rôle et cohérent avec ses idées. Cependant, au- delà de la vivacité des échanges, une analyse approfondie rend compte d’un débat plus consensuel que frontalement opposé.

En dépit des apparences, on ne peut que remarquer de nombreux points de « préconsensus ». Sur le fonctionnement des institutions, les idées ont été voisines ou identiques mis à part la thématique cinquième ou sixième République. Le fort clivage annoncé sur les 35 heures se réduit à l’alternative : on les garde comme plancher mais on peut travailler plus versus on revient sur les modalités de sa deuxième vague d’application. Sur la pomme de discorde concernant les retraites l’alternative se réduit à : on conserve la loi Fillon telle quelle versus on l’aménage et à cette autre alternative on supprime tout de suite les régimes spéciaux versus on les réduit progressivement. Sur l’école, il s’agit plutôt de nuances que de positions radicalement différentes. Sur le nucléaire les divergences portent davantage sur les chiffres, des distinguos entre centrales de troisième ou quatrième génération et les calendriers qu’ils ne portent sur des options fondamentalement différents. Sur l’écologie les positions sont proches et sur la « valeur travail » il y a unisson. En revanche les clivages sont nettement affirmés sur la fiscalité, les effectifs de la fonction publique, la politique du logement et l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne.

Le 6 mai, l’intelligence citoyenne des électeurs pourrait mobiliser davantage leur cerveau affectif que leur cerveau rationnel. A priori cela ne devrait pas profiter davantage à l’un(e) ou l’autre car il y a une affectivité de droite comme de gauche. Mais cela fournirait une indication à la Présidente ou au Président sur la manière d’exercer son rôle à la tête de l’Etat.

Share

Commentaires

Cher Gérard, je suis d’accord avec l’essentiel de ton analyse mais j’ai surtout été frappé par un autre élément.

A mon avis, Ségo s’est laissée piégée dans un débat technique de longue durée alors que son intérêt aurait été de tout ramener à quelques idées simples. Par exemple « ordre juste » et (puisqu’elle est pour la croissance et pour l’écologie) « croissance verte ». Si elle avait répété inlassablement « ordre juste » et « croissance verte » ce serait rentré dans la tête des téléspectateurs. Surtout, cela lui aurait permis d’afficher une cohérence en reliant toutes les mesures à prendre dans tous les domaines à la nécessité de contribuer à « l’ordre juste » ou à la « croissance verte ».

Sarko n’a pas fait beaucoup mieux mais quand même un peu dans la mesure où il a martelé la « valeur travail ». De surcroît, Sarko avait surtout le souci de ne prendre aucun risque. Un peu comme un coureur qui a 20 minutes d’avance dans le tour de France et n’a pas intérêt à jouer son va-tout dans une ultime étape. Ségo, au contraire, devait tenter une échappée. Elle ne pouvait le faire qu’en se démarquant.

Ajouter un commentaire