C’est ainsi qu’Henry Hermand, soutien du Club depuis sa création et qui en fut le président à la mort de Marc Ullmann, son ami, pour permettre de poursuivre son « œuvre », avait intitulé son livre autobiographique paru en 2010.
Quelques jours après sa disparition, nous vous livrons ici les principaux extraits d‘un article écrit à cet occasion par Eric Noblecourt dans le Monde du 13 février 2010 et qui nous semblent bien refléter l’homme exceptionnel qu’il fut et que nous avons eu la chance de côtoyer.
« Patron de gauche ? Pour beaucoup, c'est un oxymore. La "traversée du temps" d'Henry Hermand, un des pionniers des grandes surfaces et de l'urbanisme commercial et un des acteurs (dans l'ombre) de tous les combats du progressisme, démontre le contraire. La grande distribution, écrit son ami Michel Rocard, dans la préface du livre, "a découvert, non sans stupeur, que l'on pouvait être à la fois un homme de gauche vigoureusement convaincu et un grand patron, efficace et respecté".
"Citoyen du monde", comme il se définit, Henry Hermand, 86 ans, raconte par le menu un parcours professionnel et politique qui ressemble à un perpétuel épanouissement. Son récit, parfois un peu désordonné, ne peine pas à convaincre qu'il a "tout fait par passion". Affichant son dédain de l'argent, il a mis autant d'énergie à inventer une grande distribution étroitement associée au secteur agricole qu'à faire vivre et resurgir une pensée progressiste. "Réussir dans mes affaires professionnelles, écrit Henry Hermand, n'a jamais signifié pour moi le moindre abandon de mes convictions."
Jeune résistant, souvent en conflit avec son petit commerçant de père, Henry Hermand a dû avoir plusieurs vies vu la multitude d'aventures professionnelles et politiques dans lesquelles il s'est engagé. Humaniste et chrétien de gauche, militant anticolonialiste et européen, à l'écart du marxisme, il collabore à Esprit, au Monde et à La Quinzaine. Sans abandonner son sens critique, il fréquente une kyrielle d'intellectuels de gauche. Il milite à la CFTC et à l'Union progressiste, participe, avec son ami Gilles Martinet, à la création du PSU et rejoint, avec la "deuxième gauche", le Parti socialiste.
Son entrée au PS est marquée par le lancement de la revue Faire, organe des rocardiens. Henry Hermand en est le gérant et la finance avec d'autres actionnaires(…). Au début des années 1990, son ami Max Théret l'entraîne dans la reprise du Matin de Paris, ce qu'il qualifie aujourd'hui d'"aventure imbécile ".
Le livre fourmille de portraits, de Pierre Mendès France - "ce qui domine chez lui, c'est l'intelligence et la gravité" - à François Mitterrand, dont il décrit de manière savoureuse, "la descente", "selon un rituel très étudié", au bureau national du PS, en passant par Michel Rocard. Face à François Mitterrand, il "s'est cassé les dents contre cette formidable machine à broyer ses ennemis et à maîtriser son temps".
Henry Hermand invite la gauche à se réinventer. "La difficulté de la gauche au pouvoir, dès 2012 peut-être, écrit-il, sera considérable car les opinions publiques, si elles sont modelées (...) par des promesses inapplicables et par une présentation de la situation édulcorée, se vengeront. Et les électeurs, dans un pays où un huitième de la population vit sous le seuil de pauvreté et un autre huitième dans la crainte, seront prêts pour les pires aventures." L'auteur en vient à imaginer "une plate-forme minimale" associant "une gauche réaliste et une droite éclairée dans le cadre d'un social-réformisme écologiste".
L’article s’achève par : « Et le rêve vire à l'utopie »… Peut-être pas ?
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