Les progrès de l’informatique aidant, la plupart des produits et services sophistiqués peuvent être décomposés, tel élément se faisant en Europe, tel autre à Singapour, tel autre en Chine, etc. Comme le souligne Alan S. Blinder, professeur à Princeton, les seuls services qui, par nécessité, resteront sur place, sont ceux qui « ne peuvent être délivrés électroniquement à longue distance sans dégradation notable » (1).
Il s’agit, bien sûr, des services rendus face-à-face entre personnes en chair et en os. Ce n’est rien moins qu’une troisième révolution économique. Dans la première, l’industrie a détrôné l’agriculture. Dans la seconde, les services ont détrôné l’industrie. Dans la troisième, le face-à-face va (dans les pays les plus modernes) détrôner les services impersonnels.
De ce bouleversement majeur, quelques premières conséquences semblent pouvoir être tirées :
1.Les services personnels rendus face-à-face étant les seuls qui pourront créer des emplois, il est urgent qu’il y ait, dans ce domaine, accroissement de la demande solvable. Elimination des obstacles à la production de richesses dans les secteurs industriels et post industriels classiques, redéploiement des dépenses publiques, initiatives locales, tout doit être pensé en fonction de cette priorité.
2.Le face-à-face de luxe pour clientèle aisée est, par définition solvable. Il y a là un gisement d’emplois doublement considérable. D’abord parce que les débouchés directs sont nombreux et substantiels. Ensuite, parce que la demande créée par les « riches » contribuera à l’éclosion de nouveaux métiers susceptibles d’être déclinés de façon plus économique pour des clientèles moins fortunées. Les besoins latents sont immenses.
3.La France est un très beau pays avec un climat, un patrimoine, des paysages et des infrastructures sans égales. Pour tirer le meilleur parti possible de cet avantage comparatif, il faudrait attirer les « riches » du monde entier. Une réflexion approfondie s’impose. La fiscalité n’est pas seule en cause. L’attractivité comporte bien des aspects.
4.L’essor du face-à-face aura nécessairement un impact en matière d’éducation et de formation. Les qualités de contact s’avèreront primordiales. Le sourire se payera cher, la connaissance des langues aussi, l’adaptabilité surtout. La psychologie pratique et la débrouillardise auront valeur de compétences.
(1) Le document de travail « Fear off Offshoring » est disponibles au Club. Il paraîtra prochainement, sous une forme abrégée, dans « Foreign Affairs ».
Commentaires
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Cet article me parait d'un pessimisme exagéré, réduire le futur marché de l'emploi français à "tout ce qui ne peut être fait ailleurs" ne me semble pas être une fatalité.
Pour cela il faut endiguer la culture des loisirs, il faut revaloriser la valeur travail et donner à ceux qui en veulent non pas les moyens mais la reconnaissance qu'ils méritent ! Cette reconnaissance peut être pécuniaire mais pas seulement.
Mai 68 a brisé les valeurs traditionnelles sans en remplacer l'équilibre, et on le paie cher aujourd'hui.
Autrefois on recevait des médailles, il faut réinventer le mérite, c'est urgent !
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Je ne pense pas que cet article soit pessimiste : il est réaliste et ne concerne pas que la France ( trop de nombrilisme nuit ! ).
J'avais écrit quelque part de manière provocatrice, que la France, pour parler de notre beau pays, risquait si on laissait les choses aller spontanément, de n'être plus qu'"un lieu de plaisir", celui de la bonne table, des beaux payasages, des vieilles pierres, des grands monuments et... des jolies filles !
Je suis d'accord que cela n'est pas un futur satisfaisant et que, en aucun cas, il ne peut être un "projet" satisfaisant.
Il est vrai que le mouvement mondial né en 68, dont il ne faut pas oublier qu'il est né quelque part dans l'Ouest Américain, a laissé trainer de vieilles idées et de faux slogans.
Mais, voyons, quels exemples sont donnés à nos jeunes générations, celles qui feront la France de demain par nos "élites en tout genre" d'aujourd'hui ?
Comment vouloir donner de la "valeur" à l'effort, au travail, lorsque toutes les télévisions, les romans, les films, les discours ambiants ne font que l'apologie de l'argent vite gagné, soit par astuce, soit par offrandes du public. Car enfin, comment désigner les 15 millions d'euros que de grands footballeurs encaissent chaque année, si ce n'est comme un tribut versé à un "dieu" par un foule imbécile et idolâtre ?
Commençons par récompenser l'effort de manière réelle mais "sérieuse" avant de stigmatiser l'assistanat et la veulerie !
GM
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