Les circonstances, notamment en France et en Europe étant particulièrement mouvantes, il a semblé opportun de dégager, lors du dernier Comité d’orientation*, quelques lignes directrices suffisamment transversales pour irriguer les différentes activités du Club.
Ci-dessous, certaines suggestions émises lors de la réunion :
- cadrer : la France n’est pas une île et l’Europe n’est plus le nombril du monde. D’où l’intérêt d’aborder les problèmes français dans un cadre européen et les problèmes européens dans un cadre mondial.
- positiver : ce n’est pas parce que les institutions craquent que tout va mal. Les gens sont en avance sur les institutions. Des initiatives (de plus en plus nombreuses) méritent d’être mises en relief. De façon générale, l’optimisme donne du sens au changement, le féconde et le porte.
- catalyser : le Club doit se positionner parmi ceux qui avancent et, autant que possible, créer des liens avec les acteurs du changement. L’idée d’un manifeste émanant du Club et proposé par lui a été évoquée. Jérôme Cazes y est favorable et entend y travailler.
- détecter : les médias vivent dans l’instantané. Les modes ont la vie courte. Les recherches sur le « sens de l’Histoire » se sont le plus souvent fourvoyées. Pour déceler les tendances durables, mieux vaut se méfier des penchants idéologiques et considérer l’avenir comme une coproduction entre les constantes (anthropologiques) et les innovations (technologiques).
Partant de diagnostics sur le présent, plusieurs perspectives ont été discutées. Sans doute leur approfondissement mériterait-il débat :
- Révolution ? : pour qu’il y ait « révolution » (au sens politique du mot), il faut qu’une idéologie se soit forgée au préalable. C’était le cas hier du communisme, c’est peut-être aujourd’hui le cas d’un certain Islam mais ce qui se passe actuellement en Europe est d’une autre nature. Les esprits bougent, les comportements se modifient, une « métamorphose » est en gestation mais l’essentiel se passe hors du champ politique. Dans un tel contexte, les institutions, même si elles sont en décalage avec la société, ont les moyens de se défendre. Comme l’a dit l’un d’entre nous : « l’Etat peut devenir flicard ».
- Etat ? : dans un monde globalisé, les particularismes, notamment nationaux, gardent (et même accroissent) leur importance. L’état, en revanche, est en porte à faux. D’où la question : « Quelle est sa marge d’utilité ? ». L’un d’entre nous a répondu « aucune » et a donné l’exemple de la Belgique « qui ne s’est jamais aussi bien portée que pendant la très longue période où elle n’a pas eu de gouvernement ». Reste à se mettre d’accord sur l’étendue des pouvoirs régaliens et sur la l’efficacité d’Autorités indépendantes assumant des responsabilités spécifiques.
- Europe ? : l’état nation est une invention européenne. Dans le monde d’aujourd’hui, c’est sans doute un handicap : selon l’un d’entre nous, les traditions étatiques vont à l’encontre de la plupart des aspirations dites « post modernes ». Dans ces conditions, le bricolage institutionnel ne suffira pas à redonner sa force au projet européen (qui est en train de s’essouffler). Les fondateurs avaient connu la guerre et certains avaient même connu deux guerres, celle de 1914 et celle de 1939. Sur quelles forces, actuellement en mouvement, l’idée européenne pourra-t-elle s’appuyer ?
- Valeurs ? : jusqu’à 0°, il y a de l’eau puis, brusquement, à 0°, il y a de la glace. Les scientifiques appellent cela un changement de phase. Dans le domaine sociétal, les phénomènes ne peuvent être aussi brusques et l’on doit se contenter de parler d’effets de seuil. Les gens alors sont « ailleurs » et les choses deviennent « autres ». Ainsi, dans l’Europe d’aujourd’hui, l’argent reste roi en quelque sorte par défaut : il n’y a pas encore d’autres passions dominantes et il est une clé d’entrée pour la satisfaction de la plupart des désirs. Quand et comment pourra s’effectuer la métamorphose ? Tous commentaires et/ou critiques des remarques ci-dessus seront bienvenues.
* Etaient présents : Jacques Andréani, Jacques Blamont, Arnaud Breuillac, Jérôme Cazes (Président du CA), Xavier Emmanuelli, Jacques Glowinski, Henry Hermand, Antoine Lévêque, Raja Sidawi, Marc Ullmann (Président du CO) et Alain de Vulpian.
Commentaires
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Merci Monsieur Ullmann de ce recadrage fort utile et fort intéressant !
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