L’organisation "Etat Islamique en Irak et au Levant" (EIIL) a mené le 6 Juin 2014 une attaque foudroyante contre l’armée irakienne à Mossoul la deuxième plus grande ville du pays. Elle a réussi à occuper la ville et sa province (environ 38 000 km2) aussi bien que d’autres villes environnantes en moins d’une semaine.
Certes il y eu des défaillances dans l’armée Irakienne, voire même des trahisons disent certains, mais cela n’aurait pas pu se passer si l’EIIL ne disposait que de pistolets et des mitraillettes. C’est avec une armée, bien fournie en armes lourdes et semi-lourdes, et en moyens de transports adéquats dont de nombreux blindés que l’opération a eu lieu.
L’EIIL, il y a quelques années, s’appelait l’EII, l’Etat Islamique en Irak. Son chef le tristement célèbre Abou Moussa’ab al Zarqawi avait été tué par les Américains et l’organisation avait été réduite à l’état d’un groupe terroriste pratiquant des attaques suicides.
Comment depuis 2011, ce groupe s’est transformé en une puissance capable de s’approprier plus de 120 000 km2 en Irak et Syrie ?
Il y a 3 ans ce groupe s’est engagé dans le conflit armé en Syrie et a changé de nom en y ajoutant le « L » pour Levant. Il est devenu l’EIIL. Tirant parti de son discours idéologique salafiste beaucoup mieux formé et accompli que les autres groupes de la même mouvance, il les a phagocytés de l’intérieur, avant de frapper militairement et de manière spectaculaire les quelques réfractaires qui tenaient à leur faction d’origine.
Il s’est approprié ainsi une bonne partie du flot d’armes, de munitions, d’argent et d’hommes qui coulaient depuis la frontière turque, pour soi-disant « appuyer les insurgés modérés contre le régime Assad ». Or à part « l’armée syrienne libre » dont l’état-major s’est dissous de lui-même , tous les autres « modérés » appartiennent à la mouvance salafiste, dont les membres se sont trouvés aspirés par le discours de l’EIIL, beaucoup plus « pur » et mieux «fondé».
En même temps, l’EIIL a trouvé des financiers sympathisants (privés et institutionnels) dans le monde musulman et est devenu l’aspirateur le plus important des Mohajirin (les combattants islamistes qui viennent de pays étrangers). Il a recruté par exemple parmi les Tchétchènes son chef d’Etat-Major, un général surnommé Abou Omar Al Chichani. Il a recruté pour son conseil de la foi et la promotion des règles religieuses (le Conseil de la Shari’aa), deux Saoudiens (pourchassés par les autorités Saoudiennes) parmi les plus réputés pour leur charisme.
N’oubliant pas ses racines Irakiennes, il a recruté aussi le meilleur parmi les anciens militaires de Saddam Hussein, le chef de son conseil militaire et le chef des renseignements.
Après la prise de Mossoul, l’EIIL, a de nouveau changé de nom, pour devenir l’EI, l’Etat Islamique, et Abu Bakr Al Baghdadi s’est déclaré Calife car par la « grâce de Dieu » il a aujourd’hui entre les mains tous les éléments-signes lui permettant de le faire :
- La volonté de réunir tous les musulmans sans distinction de nationalité ou de frontière.
- Un large territoire riche susceptible de fournir à cet état une indépendance financière relative (grâce à sa richesse en pétrole)
- Une armée bien formée et aguerrie pour le défendre, qui compte par la « grâce de Dieu » de nombreuses victoires.
Quelle direction l’EI prendra-t-il pour l’avenir ? Revoyons le discours du Califat prononcé à Mossoul dans un lieu qui constitue un symbole contextuel fort : La mosquée de Nouredine Zinki, grand champion de la lutte contre les Croisés. Trois points sont importants à retenir :
- Une invitation de tous les musulmans du monde pour venir vivre dans le Califat (abolition des différences de nationalité, de race et d’ethnie)
- La promesse de protéger les musulmans partout dans le monde des brimades et des humiliations qu’ils sont en train de subir, parmi ses brimades il cite la restriction au port du voile en France (abolition des frontières)
- La critique qu’il fait des « rois » et des gouverneurs musulmans occupés à promettre à leurs populations la bonne vie, alors qu’ils doivent les inciter au Jihad qui est une obligation tant que l’Islam n’a pas triomphé dans le monde.
En termes clairs :
- Nous continuons à recruter, n’hésitez pas à nous rejoindre, nous ne nous arrêterons pas là où nous sommes tant que le triomphe de l’Islam (« vrai ») n’est pas achevé.
- Nous engagerons des actions punitives (sans doute de nature terroriste suicidaire) contre les pays occidentaux ou autres qui « briment » l’Islam.
- Notre prochaine cible est les rois et gouvernants musulmans (en commençant par les plus proches)
Le discours a fait l’objet des critiques les plus virulentes de la part des ulémas musulmans les plus connus. Le nouveau Calife Abu Bakr Al Baghdadi doit renforcer les signes de sa légitimité. La première bataille sur laquelle il va s’engager après son discours c’est la bataille de Ghouta (et non de Bagdad).
Ghouta est une banlieue de Damas, occupée par l’Armée de l’Islam, d’allégeance Saoudienne, qui s’oppose (comme l’EI) au régime syrien. Par deux fois la semaine passée son commandant Zahran Allouche a manqué d’être assassiné par l’EI. Des combats farouches se sont engagés. L’EI a gagné du terrain mais pas encore la bataille.
Pourquoi Ghouta ? Parce que selon un « Hadith » (paroles rapportées) du Prophète c’est la terre qui verra le grand triomphe de l’Islam contre ses ennemis : « Ce sera le jour de la grande épopée, du triomphe des musulmans, dans une terre qui s’appelle Ghouta, dans laquelle se trouve une cité nommée Damas, la meilleure terre de résidence des musulmans ce jour ».
En s’appropriant ce territoire, Al Baghdadi veut envoyer aux musulmans le message qu’il est en voie de détenir la clef de la victoire de l’Islam contre ses ennemis. A quand La Mecque ?
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