11 décembre 2020 • Anne Beaufumé
Face à une opinion dominante en France selon laquelle l’islamisation produit du terrorisme, fortement portée par le très médiatique Gilles Kepel[i] et sa « radicalisation de l’Islam », Olivier Roy, philosophe persanophone et politologue spécialiste de l’Islam, aujourd’hui professeur à l’Institut universitaire européen de Florence (où il dirige le Programme méditerranéen), défend l’idée d’une « islamisation de la radicalité »[ii] [iii].
Il fonde son analyse sur l’évolution du profil des auteurs d’attentats terroristes. Pour résumer, depuis 25 ans il y a une continuité dans ces attentats, qui sont toujours des attentats suicides (cf. son livre « Le Djihad et la mort », Seuil, 2019) mais il existe en revanche une rupture dans le mode opératoire. Aujourd’hui on a affaire à des terroristes isolés, sans « réseaux » derrière eux (absence de liens avec Daech notamment), qui agissent donc seuls, en utilisant une arme blanche, qui rend leur attentat « sacrificiel ». Par ailleurs, ils s’inscrivent, via la médiatisation espérée de leur acte, dans ce qu’Olivier Roy qualifie d’une « certaine culture jeune » alimentée par les réseaux sociaux, où il y a « cette idée que tout est dans la communication, que l’on passe de l’anonymat à la célébrité ». L’islamisation joue bien sûr un rôle, puisque l’auteur, par son geste « gagne le paradis ».
[i] Philippe Bois avait fait en février 2016 la recension du livre de Gilles Kepel co-écrit avec Antoine Jardin « Terreur dans l’hexagone, genèse du Djihad français »
[ii] Pour éclairer le débat entre Gilles Kepel et Olivier Roy, cet article des Echos : "Le prophète et le mandarin"
[iii] Auteur de La Sainte Ignorance, dont les analyses ont fait la une du New York Times après les attentats du Bataclan, Olivier Roy est un homme engagé qui aime se confronter au « terrain » (il est parti participer aux combats de la guerre d'Afghanistan contre l'URSS dans les années 80).