Le principe de laïcité, selon lequel la neutralité religieuse doit être observée dans la sphère publique, peut-il trouver à s’appliquer dans une entreprise relevant du secteur privé ? Par une décision très motivée la Cour d’appel de Paris a décidé que l’obligation de neutralité religieuse exigée par un employeur à l’égard de ses salariés en contact avec des jeunes enfants, en l’occurrence de la crèche Baby Loup, est licite et non discriminatoire.
Sur le fondement de ce principe elle a conclu à la validité du licenciement d’une salariée de cette crèche qui refusait d’ôter son voile. Décision diamétralement opposée à celle de la Cour de cassation. Celle-ci dans son arrêt du 13 mars 2013 a restreint l’application du principe de laïcité aux seuls services publics. Elle en a déduit de ce fait que le licenciement était illégal.
Cette interprétation étroite de la Cour de cassation est-elle encore adaptée à notre temps et aux réalités de notre pays ? La laïcité principe fondateur de la République, à force de perdre du terrain dans l’espace social ne risque-t-il pas de finir comme exception ?
Attentive aux exigences que requiert cette problématique et aux enjeux en cause, la Cour d’appel, s’écarte de ce raisonnement et qualifie la crèche Baby Loup, « d’entreprise de conviction » de la laïcité, autorisée à exiger la neutralité religieuse de ses salariés. Selon la Cour, si la liberté de religion et de la manifester sont des droits, ces libertés ne sont pas absolues et peuvent faire l’objet de restrictions pour assurer le respect des convictions de chacun. La Cour a confronté la liberté individuelle de manifester ses convictions religieuses avec les droits des enfants au respect de leur liberté de conscience en éveil. En conséquence les restrictions prévues dans le règlement intérieur de la crèche concernant les signes religieux ne portent pas atteinte à la liberté religieuse et ne présentent pas un caractère discriminatoire au sens de l’article 1132 du code du travail.
L’équilibre recherché par la Cour d’appel de Paris concernant les libertés en présence à préserver est à saluer.
S’agissant de la protection de la petite enfance, l’exigence de la neutralité requise est d’autant plus forte. Il ne fait aucun doute qu’accepter les signes religieux à la crèche, dans le cadre de la petite enfance, c’est les banaliser et les inscrire dans la conscience des enfants. Il est donc important d’être vigilant et de ne pas laisser entrer le loup dans la bergerie, c’est le sens de la décision de la Cour d’appel sur lequel les magistrats de la Cour de cassation à nouveau saisie devront méditer prochainement.
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