Nous faisons tous comme si l’échéance présidentielle était capitale pour notre avenir et en même temps nous sommes certains que la politique a de moins en moins de prise sur nos destinées personnelles. Comment expliquer ce paradoxe si l’on veut dépasser les explications faciles de la schizophrénie française ou de l’intoxication médiatique ?
Il me semble que ce qui nous pousse à tant investir dans l’élection présidentielle, c’est notre espoir (jusqu’ici toujours déçu) qu’un(e) président(e) peut inverser le cours des choses et rendre sa force à la politique. Nous avons encore en mémoire les mots forts (hélas sans suites) que Jacques Chirac prononçait au soir de son élection de 2002 « pour que la république vive, pour que la nation se rassemble, pour que la politique change ».
Tous les principaux candidats ont compris ce désir des Français de changer d’ère politique et ne cessent de marteler qu’ils veulent rompre avec les pratiques antérieures. Fort bien, mais ont-ils compris quelle rupture était nécessaire ? Leur volontarisme est-il adapté à la réalité de la société française ? Plus je les écoute et plus je suis inquiet car, sous les discours, la façon d’envisager la politique ne change pas. On entend beaucoup de « je veux » mais bien peu d’explications sur la manière de faire. Alexandre Jardin avait raison l’autre jour d’insister sur l’importance du « comment ». Il a créé le site :
commentonfait
Pour ma part, n’ayant pas peur des oxymores, je souhaiterais un « volontarisme modeste » : volontarisme, car il y a bien nécessité de rompre avec les habitudes de penser et de faire ; modeste, parce qu’il est impossible, même au sommet de l’Etat, d’agir sans s’appuyer sur les « envies d’agir » de toute la société. Le volontarisme modeste consiste à cesser de croire que la société est bloquée et que la mission du politique est de la débloquer ; il part du postulat inverse que la société en réseau dans laquelle nous sommes entrés est tout à fait apte à régler elle-même ses dysfonctionnements à condition qu’elle capte un signal clair et fort qui l’incite à s’y mettre.
En ce sens, le président dont nous avons besoin est un visionnaire-négociateur : il doit avoir une vision claire des enjeux et des ressorts sociaux sur lesquels s’appuyer afin de pouvoir ouvrir les 10 chantiers qui renouvelleront en profondeur notre pacte social.
Qui aura la capacité à entrer en négociation permanente avec la société pour co-élaborer les réformes nécessaires et mettre en place les plans de mobilisation sociétale qui en découleront ?
Il ne suffit pas d’écouter les Français puis de reprendre la main entre professionnels de la politique et de l’administration, l’enjeu est de diffuser du pouvoir de faire, à toutes les échelles, bien au-delà des fameux corps intermédiaires qui sont souvent porteurs de la même culture, celle du « faire pour » là où on a besoin d’un « faire avec ». Nous avons besoin d’un président de l’Empowerment des Français, mais je crains que cette conception du pouvoir ne soit pas encore celle de la génération qui arrive aux affaires. Devrons-nous attendre un quart de siècle supplémentaire ?
Hervé Chaygneaud-Dupuy est Délégué général des : ateliersdelacitoyennete
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