La France d’aujourd’hui est une grosse machine à exclure forcée à dépenser beaucoup d’argent pour essayer d’inclure ceux qu’elle a elle-même exclus. Cette idée a été exprimée par Jean-Marc Borello le 18 juin au cours d’une Matinale du Club des Vigilants. La question posée par les Vigilants au Président du Groupe d’économie sociale SOS, (12 000 salariés) était : « Comment rester une société solidaire lorsque l’argent public se fait rare » ? Le Club s’interroge en effet sur ce que pourrait être le fonctionnement de notre société si la croissance très lente ou la croissance zéro s’installait, nettement en dessous des 2% nécessaires, d’après Pascal Lamy, autre invité récent du Club, pour financer le filet social cher aux européens, et en particulier aux Français.
Première réponse donc, évoluer vers une société plus « inclusive ». « Tout ce qui est urgence coûte cher », a dit encore l’orateur, évoquant les centres d’accueil de SDF encombrés de « ni-ni », des migrants qu’on ne veut ni régulariser ni expulser. Il a développé un autre de ses exemples favoris de dépenses publiques absurdes, en l’occurrence les coûteux logements d’urgence en « hôtel » de familles (souvent réduites à la mère) qui sont à la rue. Le système des logements intermédiaires locatifs, des appartements vides confiés par leurs propriétaires à l’association pour deux ans, permet de réduire la facture pour la collectivité de 40% tout en offrant de bien meilleures conditions de vie aux familles secourues que les « marchands de sommeil ».
Déclarant employer environ 12 000 salariés dans des activités qui vont de l’hébergement des SDF a la gestion de cliniques et de maisons de retraite en passant par la protection sociale de l’enfance et la protection judiciaire de la jeunesse, le patron du Groupe SOS affiche une trentaine d’années d’expérience.
L’action du Groupe repose sur quelques principes, à commencer par l’idée que tout une partie des activités (maisons de retraite, cliniques…) doit être à l’équilibre, autofinancée et doit même dégager des excédents permettant de financer d’autres activités en perte. Holding d’associations, le Groupe ne fait pas de bénéfice et ne rémunère pas d’actionnaires (mais il est propriétaire de son bâti, évalué à 400 millions d’euros). Il a, d’une certaine manière, anticipé sur la rareté de l’argent public. On ne peut pas, estime Jean-Marc Borello, fonder de nos jours une activité sociale sur la chasse aux subventions. Pour y arriver, le Groupe s’astreint, explique-t-il, à un train de vie modeste avec une échelle de salaires de 1 à 10, ce qui ne l’empêche pas, signe des temps, de recruter de brillants élèves de Grandes Ecoles.
Sauf dans les cas inévitables, type hébergement des SDF, il cherche à éviter les systèmes « réservés aux pauvres ». Crèches, cliniques et maisons de retraite sont ouvertes à tous. Objectif : abaisser les coûts au niveau des remboursements et aides dont peuvent bénéficier les usagers pour que le reste à charge soit nul.
Aspect central du dispositif, le Groupe cherche à être dans une posture d’innovation et d’adaptation permanente aux réalités du terrain qui évoluent beaucoup. Un SDF ou un toxicomane d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec ceux d’il y a trente ans. Pour ce faire chaque établissement doit, chaque année, faire remonter ses propositions d’innovation et d’adaptation. Cette souplesse, que n’ont pas les administrations, fait de ce genre de groupe un complément indispensable de l’action étatique dans une époque comme celle que nous vivons. Le Groupe SOS peut expérimenter des actions qu’il « vend », en cas de succès, aux pouvoirs publics. Exemple : les lits infirmiers, une manière de limiter les effets du cloisonnement administratif entre l’action sociale et l’action sanitaire, proposée par le Groupe SOS. Concrètement il s’agit d’éviter qu’on remette à la rue des SDF, encore fragiles, que l’hôpital a soignés à grands frais ou qu’ils encombrent des lits d’hôpital trop coûteux pour une simple convalescence.
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