G. Giraud : la malédiction du Club de Rome va s’accomplir, sauf…

Le Club de Rome a été très célèbre dans les années 70 du XXe siècle lorsqu’il publia son rapport catastrophiste sur Les limites de la croissance. Gaël Giraud est un brillant économiste qui intervenait le 1er juin dans le cadre du cycle de conférences sur l’éthique du libéralisme organisé par notre ami Bernard Esambert. Gaël Giraud est économiste en chef de l’Agence Française de Développement et… jésuite.

D’emblée, il a abordé l’éthique du libéralisme comme une question d’éthique collective et non pas d’éthique individuelle. Et il a dit que le principal défi que nous devons affronter collectivement est celui du dérèglement climatique et plus largement des limites que la nature oppose à notre mode de développement.

Il a tenu sur ce point un discours assez impressionnant. Il a notamment évoqué les travaux de l’économiste australien Graham Turner, qui a confronté à la réalité le rapport commandé en 1970 à une équipe du MIT par le Club de Rome et connu sous le nom de rapport Meadows. Celui-ci était tombé dans l’oubli sans jamais avoir été scientifiquement contesté. Or Turner a vérifié que, pendant les trente années 1970-2000 , la réalité colle de près à deux des scénarios peu optimistes du rapport (lire ici). Si on extrapole, la croissance se heurterait à ses limites physiques et s’effondrerait quelque part au milieu du XXIe siècle.

Gaël Giraud a évoqué évidemment les risques de pénurie d’énergie fossile. La limite importante – le fameux pic pétrolier- n’est pas celle des réserves de pétrole, mais celle de la capacité d’extraction, autrement dit du flux disponible à tout moment. L’exploitation du gaz de schiste n’a fait que le repousser de quelques années.

Mais il a aussi souligné les dangers que nous font courir des pénuries annoncées de matières premières, cuivre et phosphate par exemple. Notre ami Jacques Blamont avait déjà souligné les enchaînements catastrophiques d’une pénurie de phosphates qui affecterait la production d’engrais et donc la capacité de la planète à nourrir l’humanité (Introduction au siècle des menaces. Odile Jacob. 2004). Le n°82 des Annales des Mines, daté avril 2016, s’inquiète des Métaux stratégiques, un enjeu mondial ?

Ces pénuries de matières premières sont d’autant plus inquiétantes que, contrairement à ce qui se passe pour le risque climatique, aucun dispositif institutionnel ne prend le problème en charge à l’échelle planétaire.

Ce qui fait de toutes ces menaces une question éthique, outre le fait qu’elles nous concernent collectivement, c’est le fait que leurs effets seront très injustes, explique Gaël Giraud : les premiers touchés seront les habitants des pays pauvres et les plus affectés dans les pays riches seront les moins riches.

Les solutions ? L’économiste souligne l’importance de toutes les techniques de recyclage, aussi bien  pour les matières premières que pour l’eau. Il dit que nous ne nous intéressons pas assez à toutes les initiatives locales porteuses de solutions. Il est assez séduit par  La troisième révolution industrielle de Jeremy Rifkin (Ed Les liens qui libèrent, 2011). Et il croit peu à l’efficacité des marchés pour résoudre les problèmes. Cri du cœur : « on peut enfin dire que les marchés sont inefficaces ». En matière de limitation des émissions de carbones et d’économie des matières premières il croit cependant aux « signaux prix ». Il faut que l’émission de CO2 ait un prix – mais pas le même en Europe et en Inde. Il faut que ces marchés du carbone soient régulés et surtout pas financiarisés. Pas de marché à terme, pas d’options, pas de dérivés…

Gaël Giraud a écrit un livre intitulé Illusion financière. Pourquoi les chrétiens ne peuvent pas se taire (Ed de l’Atelier 2012).

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