La France est un pays révolutionnaire, c’est son mode de fonctionnement. Les grands conflits se débloquent dans un élan qui, un jour, catalyse les énergies entravées, les reformate et provoque un saut, pas seulement un sursaut.
La prise de la Bastille, les barricades de 1830, celles de 1848 sont stylisées dans les gravures de nos livres d’histoire, elles sont la pointe événementielle d’un mouvement de fond qui a imposé l’égalité civile, refondé la hiérarchie sociale en distribuant les richesses de l’ordre conservateur du clergé puis déclassé un pouvoir inadapté à l’âge technique. L’histoire ne se fait pas en un jour, mais certains jours font l’histoire. Dira-t-on du 11 janvier 2015 que c’est une journée qui a fait la France ?
Un épisode de lyrisme ou de violence, la participation du peuple, une capacité de décision exceptionnelle dans une conjoncture historique atypique : c’est l’essence d’un processus révolutionnaire. Il vient quand les procédures démocratiques régulières ont échoué à résoudre des conflits sociaux au sens large, c’est-à-dire la place revendiquée par les différents groupes, notamment les plus récents et les plus actifs. La violence n’est pas une condition de la révolution, c’est une de ses formes. En France, la violence révolutionnaire a disparu, elle était nécessaire pour changer de régime, elle n’a plus d’efficacité. La mécanique révolutionnaire est-elle pour autant archaïque ?
Ces dernières années nous sommes nombreux à avoir eu le sentiment d’un blocage persistant, un modèle à bout de souffle, un appareillage politique (partis, programmes, institutions) à la peine pour régénérer le système et nous adapter à la dynamique sociale née de la mondialisation et du paradigme digital. Le système partisan s’est fossilisé autour de débats dont les termes sont nés il y a soixante-dix ans, le programme du CNR pour faire simple, autre saut, source de progrès considérables. Les crispations égalitaire, identitaire, sécuritaire des partis ne sont pas exemptes de vrais sujets mais du système, il ne sort aucune réponse durable. Une fin de règne.
Les attentats sont une détonation, le choc en retour est une opportunité. La marche silencieuse des Français peut imprimer un mouvement irrépressible qui nous, décideurs compris, fera trouver les voies et moyens du progrès.
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