Le constat est banal : il y a aujourd’hui en France une absence de concordance entre l’offre politique et les facteurs de polarisation. Toute société démocratique s’organise autour de pôles où s’agrègent valeurs, mémoire, programmes, marqueurs identitaires, styles, etc. En termes politiques l’enjeu est que les représentants les rendent lisibles pour les représentés.
Côté offre traditionnelle demeurent un parti socialiste constitué en 1970 avant que ne s’impose, dans les faits, à l’échelle mondiale, le libéralisme et sa cohorte de transformations et Les Républicains, avatar de la machine électorale de 2007 dont l’inanité programmatique est un caractère dominant. Le gonflement des partis qui se disent « hors système » indique l’insatisfaction des représentés. Souvent « attrape-tout » —avec un programme économique très à gauche et une sécurité nationaliste de droite le FN en est un bon exemple— ils perturbent mais leur capacité à créer de nouvelles synthèses est faible. La stratégie du clivage tente de recomposer en retraçant des frontières idéologiques droite-gauche bien marquées, mais elle fonctionne mal. Sarkozy pourrait en faire la double expérience. Probablement pas pour des raisons idéologiques, car les électeurs sont peu idéologues, mais parce que le corps social ne tend pas spontanément à la dissociation. Quant au phénomène des primaires il peut être vu comme une manifestation de la difficulté croissante des partis à structurer l’offre politique, responsabilité qu’ils reportent sur les électeurs. Les Américains en font l’expérience : les primaires 2016 donnent une traduction politique aux profonds courants qui agitent la société ; à ce stade, contre l’establishment des partis.
Si la situation est aujourd’hui préoccupante en France, c’est parce qu’à l’inadéquation de l’offre politique s’ajoutent d’importants facteurs de dislocation sociale (crise, faiblesse de l’intégration des populations issues de l’immigration) et la non-réponse au besoin de renouvellement des élites politiques. Concernant ces dernières, trois puissants ressorts de transformation de la société peinent à faire souche : immigration, globalisation, digitalisation. Les élites issues de ces transformations existent mais elles sont ailleurs et il y a une fantastique production d’intelligence qui n’est pas captée et assimilée par les partis ni, in fine, les gouvernants. Résultat : un système de défiance où l’on exerce plus volontiers sa fonction tribunitienne que sa force de proposition (cf. la tribune de Martine Aubry cette semaine dans Le Monde). Le président est sans majorité dans l’opinion (le cas n’est pas rare) et, plus préoccupant, sans majorité politique ; situation qui n’est tenable qu’étant donné la proximité de l’élection présidentielle qui y mettra un terme. Or, si l’on est certain qu’un candidat sera élu en 2017, on est moins certain que, sans recomposition, le prochain président ne sera pas confronté au même phénomène d’étroitesse/ disparition de la majorité constituée pour l’élection et à sa conséquence : la difficulté à réformer. La présidentielle doit être l’occasion d’un choc de recomposition. La majorité en faveur des réformes existe dans l’opinion, un nouveau système de partis doit lui donner, durablement, une traduction politique. Les clubs sont, aujourd’hui, les réservoirs d’idées les plus actifs. Avec d’autres, le Club des Vigilants doit prendre sa place dans ce débat.
Commentaires
Permalien
Nous sommes en effet dans une situation historiquement inédite.
L'incapacité à réformer, constatée par tous les observateurs avisés, exaspère les "groupes de pressions", en fait surtout les corporations, entités extrêmement fortes en France.
Il y a peu de grands projets "transverses" entre les corporations. L'énergie dépensée se concentre sur la défense des avantages acquis.
Comment expliquer cette désaffection pour le nouveau, pour l'innovation, pour la prise de risque, etc ?
La majorité des électeurs est en fait contente du statu quo, sauf à grapiller encore quelque avantage corporatiste.
Dans ce contexte d'absence de grand projet mobilisateur, le système démocratique et politique cavite et patine. Sans doute pour encore longtemps.
Permalien
Pour ma part, je me demande vraiment quelle reelle capacite d'action ont, aujourd'hui, nos leaders politiques.
Le processus de mondialisation economique et financiere,en cours, qui profite essentiellement a "ceux qui dans le monde le pilote et en sont les parties prenantes directes", a des consequences locales pour nos etats-nations qui sont plutot angoissantes que stimulantes pour nos concitoyens...
Impuissance institutionnelle internationale des dirigeants politiques et angoisse montante des populations ne peuvent faire bon menage !
HPS
Ajouter un commentaire