On a eu un peu peur en 2017, on a eu très peur en 2022 et on a toutes les raisons d’être angoissé pour 2027. Peur de l’extrême droite ? Du populisme ? Du national-socialisme ? Peur d’un mouvement dangereux pour la démocratie, incarné aujourd’hui par Marine Le Pen, qui se sera sans doute recomposé d’ici là. Qu’elle, ses amis et ses semblables aient envie de prendre le pouvoir par les urnes ne rassure pas quant à leur attachement à la démocratie. Mussolini et Hitler l’ont fait jadis. Leur ami Orban vient de le refaire en Hongrie. Le quitteraient-ils quand la faillite de leur programme serait devenue évidente ou chercheraient-ils toutes les échappatoires comme Trump ? Le Président a beaucoup de pouvoirs en France. Trop de pouvoirs. On s’en rendrait compte si la fonction tombait en de mauvaises mains.
Que faire d’ici 2027 ? L’histoire de l’entre-deux-guerres suggère trois leçons*.
Le nationalisme est le socle, l’ingrédient de base des ennemis les plus dangereux de la démocratie, de Mussolini à Poutine en passant par Hitler. Il l’est en France pour les Le Pen, Zemmour et compagnie. Prenons garde à ne pas le nourrir. La souveraineté est nécessaire dans certains domaines. Parler de souveraineté matin, midi et soir est excessif.
La lutte des classes est le carburant. Elle exacerbe ressentiments et méfiances. Elle fut déterminante pour précipiter l’Espagne dans la guerre civile et sous-jacente ailleurs. La haine de classe était palpable pendant la dernière campagne des présidentielles en France. Débloquons d’urgence une société française où trop de gens pensent, à juste titre, que leurs enfants n’ont aucune chance d’accéder à l’élite. Le combat pour l’égalité des changes reste prioritaire. Mais attention ! Les favorisés qui veulent se préserver contre les défavorisés peuvent devenir dangereux, eux aussi. Hitler fut élu par les bourgeois qui avaient peur des chômeurs, autant sinon plus que par les chômeurs. L’émergence de Zemmour, résurgence de la vieille droite maurassienne est, à ce titre, un signal à ne pas négliger.
La violence et le désordre sont des poisons pour la démocratie. Poutine comme Mussolini et Hitler ont pris le pouvoir en incarnant une forme d’ordre par opposition à un désordre qu’ils avaient souvent alimenté eux-mêmes. Les chemises noires et les SA étaient violents mais ils avaient un uniforme et obéissaient aux coups de sifflet des chefs. Ne laissons pas le désordre et la violence s’installer. Ils profitent toujours aux ennemis de la démocratie.
Et l’économie dans tout ça ?
Le « quoi qu’il en coute » et la reprise de l’emploi, incontestables succès, n’ont pas empêché la montée des périls. La reprise récente de l’inflation et les questions de pouvoir d’achat, habilement exploitées par Marine Le Pen, n’expliquent pas l’inexorable montée de l’extrême droite. Ne nous a-t-on pas pourtant appris que Roosevelt a sauvé la démocratie américaine grâce aux investissements du New Deal ? En fait, entre 1933 et 1941, avant l’entrée en guerre des États-Unis, Roosevelt n’a pas déversé autant de milliards de dollars sur le pays qu’on nous l’a dit. Il a fait de la politique. Avec conviction et habileté. Et c’est ainsi qu’il a sauvé la démocratie américaine menacée par une crise économique profonde et d’influents populistes à l’affut (Huey Long, Father Coughlin). Grâce à son talent politique.
Le choix du leader, le choix d’un Président capable de défendre la démocratie est donc plus capital que jamais pour la France. Car, ne nous y trompons pas, les ennemis de la démocratie ont du talent. Il en faut pour être au deuxième tour de l’élection présidentielle.
Une des responsabilités majeures d’Emmanuel Macron et de ses proches est donc de favoriser l’émergence de la personne susceptible de lui succéder et de préparer dès maintenant l’après Macron. Dans cinq ans à peine.
*Pour de plus amples développements sur l’entre-deux-guerres voir mon livre Comment meurent les démocraties (Odile Jacob)
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