Ce n’est pas la force de l’Iran qui effraye. C’est sa faiblesse. La faiblesse pousse aux rodomontades et les provocations peuvent se révéler suicidaires.
Lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 1979, l’Ayatollah Khomeini a tenté d’apaiser – à son profit – l’ancestrale querelle entre Chiites et Sunnites. Des centaines d’érudits ont été mobilisés pour travailler à une « grande encyclopédie islamique » où, sans rien renier de la doctrine chiite, ils devaient se garder de toute agressivité à l’égard du sunnisme. L’Islam, pensait Khomeini, devait s’unir contre l’Occident et la lutte contre Israël, servir de ciment à cette union(1).
Les Saoudiens, cependant, se méfiaient. Le panislamisme révolutionnaire était peu compatible avec leur monarchie. Les réflexes étatiques ont ressurgi. Ils ont même pris le dessus lorsqu’il est apparu que l’Iran voulait profiter des mésaventures américaines en Irak pour prendre le quasi contrôle de ce grand pays. Les attentats interconfessionnels s’y sont, dès lors, multipliés.
Les « printemps arabes » ont ouvert deux nouveaux champs de bataille : Bahreïn et la Syrie. A Bahreïn, les protestataires chiites risquaient de chasser le monarque sunnite. Les Saoudiens sont intervenus. La répression a été féroce. Al Jazeera, d’ordinaire si attentive au droit des peuples, a détourné ses caméras. Le verrou Bahreïn n’a pas sauté.
A Damas, la donne est différente. Les Alaouites qui gouvernent ne sont pas à proprement parler des Chiites mais le peuple (à majorité sunnite) est sous le joug et un changement de régime couperait le cordon reliant l’Iran au Hezbollah libanais et, par son intermédiaire, au Hamas palestinien. Les hiérarques de Téhéran sont prêts à tout pour que le verrou syrien ne saute pas. Y compris à la guerre qui, entre autres « avantages », permettrait à un régime affaibli de battre le rappel du patriotisme.
C’est dans ce contexte inflammable qu’intervient un troisième acteur : la Turquie. Personne n’a envie de « mourir pour Ormuz » mais un accident genre « Août 14 » pourrait se produire et le Premier ministre Erdoğan s’est mis en tête de jouer les intercesseurs. Son ministre des Affaires Etrangères, Ahmet Davutoglu, s’est rendu début janvier à Téhéran où il a tenté de persuader Khamenei qu’il connaissait des modérés parmi les opposants syriens et qu’un éventuel changement de régime pourrait ne pas être fatal à l’alliance avec l’Iran. La réponse, paraît-il, a été plus que dubitative.
Pour donner du temps à leur ami Assad, les responsables iraniens continuent de faire diversion. La « Communauté des Croyants » s’effiloche. La « guerre des deux Islams » resurgit.
Ajouter un commentaire