Le secret du « Made in Germany »

Les élites françaises sont intelligentes mais trop généralistes. Le défaut est si ancien qu’une anecdote, datant des années 60, me revient en mémoire.

Des bons esprits se réunissaient alors au « Club Jean Moulin » dans l’espoir d’un renouvellement de l’art de gouverner. Un soir, au cours d’un débat sur l’économie, un homme de grande qualité, brillant et respecté, émit l’opinion que l’industrie française allait rapidement devancer l’industrie allemande. Pourquoi ? « Parce que la France se spécialise dans les secteurs d’avenir, notamment l’informatique, alors que l’Allemagne s’encroûte dans le traditionnel ».

Cet orgueil sectoriel, je m’en souviens comme si c’était hier, m’a laissé pantois. J’étais incapable de prévoir les déboires de Bull et de ses malheureux successeurs mais il me paraissait évident que les progrès de l’électronique se propageraient dans tous les domaines et que les machines allemandes en profiteraient. Ce fut le cas : l’Allemagne a atteint le rang de 1er exportateur mondial.

Quel est donc le secret du « made in Germany » ? Pourquoi, comme l’a écrit Michel Chevet dans Vigilances 79, voit-on tant d’usines abandonnées dans les vallées vosgiennes et, juste en face, dans le Bad Wurtemberg tant d’usines rutilantes ?

Les causes du décalage sont, bien sûr, multiples mais personne ne peut nier que le respect de la technique et des compétences a joué un rôle déterminant.

Les Allemands ont le culte des métiers. Ils pratiquent l’apprentissage, protègent les qualifications, estiment les savants et encouragent les ingénieurs à faire carrière jusqu’aux sommets des plus grandes entreprises ; les Français ont un faible pour les « stratèges » capables de s’adapter à n’importe quel métier.

Les Allemands partent de ce qu’ils savent faire et l’améliorent à coup d’innovations et de multiples brevets ; les Français (sauf exceptions !) répugnent à s’appuyer sur leurs points forts et partent en quête de nouveautés.

Les Allemands ont coutume de tout faire pour que de petites entreprises aient une chance de grossir ; les Français ont pris l’habitude de se lancer dans de grands projets.

L’Etat, par le biais de ses nominations et l’importance de ses subventions, les banques par le choix de leurs crédits, l’éducation, par ses critères d’excellence, peuvent être tenus pour co-responsables du déclin relatif de l’industrie française. Heureusement, le pays est encore riche de compétences et reste assis sur des trésors de savoir-faire. Pourquoi se résigner à la dégringolade alors qu’il serait possible de remonter la pente.

Le Club ne saurait être le catalyseur de tous les efforts nécessaires mais peut, à sa modeste place, prendre part au combat. Un de ses membres, Gérard Joulin (ancien PDG-propriétaire du leader européen de la boulangerie industrielle Jacquet), est passionné par le sujet. Ceux qui voudraient se joindre à lui pour former un groupe de travail feraient œuvre utile.

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