L’arrivée d’Hitler au pouvoir n’a pas une seule et unique cause. L’humiliation de la défaite de 1918 a certainement joué un rôle. La peur du communisme aussi. L’essentiel, pourtant, est à rechercher dans la perte des repères et dans l’effondrement des valeurs entraîné par l’hyperinflation de 1923.
Dans cette année maudite, les prix des repas servis au restaurant variaient d’une heure à l’autre et les ménagères souhaitant faire leurs courses amenaient des liasses de billets dans des voitures d’enfants. La monnaie plongeait de 613 mille marks par seconde.
Des dizaines de milliers de vieillards ont été réduits à la mendicité tandis que la fortune souriait aux petits malins. Ainsi, beaucoup de jeunes fripouilles qui, en 1923, avaient 17 ou 18 ans, sont devenues des cadres importants du nazisme et des familiers du futur « Führer ». Pas étonnant que les Allemands d’aujourd’hui aient gardé en mémoire les méfaits de l’inflation, cette drogue dure qui a détruit leur corps social.
D’autres peuples, au contraire, ont conservé le souvenir agréable d’une drogue douce qui a accompagné la croissance, quelque peu pénalisé les rentiers mais plutôt favorisé les actifs. En France, par exemple, l’indice des prix à la consommation pendant les « 30 glorieuses » a grimpé en moyenne de 5 % par an. Il y a eu des bas (2,5% en 1965) et des hauts (17% en 1951) mais le seuil des 20% n’a jamais été franchi.
Cette divergence des mémoires pèse sur l’avenir de l’Euro. Pour le moment, les exportateurs allemands ne sont pas mécontents que les mauvais élèves de la classe budgétaire freinent l’ascension de la monnaie unique. Mais attention ! Si, un jour, certains pays européens en arrivaient à souhaiter que l’inflation serve à effacer des dettes, la nostalgie d’un Mark fort l’emporterait sur la fidélité à un Euro devenu trop faible.
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