31 octobre 2022 • Jean-Claude Hazera
C’était comment la grande médecine française respectée dans le monde entier du temps où le mot crise n’était pas systématiquement accolé au mot hôpital en France ? Des jeunes doivent se poser cette question. Un livre de notre ami Olivier Haertig, membre du bureau du Club, nous offre une immersion dans ce monde-là : l’hôpital dans les années 50 à 80 du siècle précédent *.
Il s’agit d’un ouvrage très personnel puisque c’est une biographie de Charles Dubost « pionnier de la chirurgie cardiaque » par un ancien « enfant bleu » qui lui doit une vie normale et sans doute la vie tout court. On pourrait redouter le caractère trop personnel de cet exercice d’admiration et de gratitude. On aurait tort.
Quand Olivier nous décrit le sort de ces enfants accroupis, incapables de tout effort parce que le sang oxygéné venant des poumons se mélange au niveau du cœur au sang revenant des organes il nous fait vivre de l’intérieur le sort de tous les enfants pas comme les autres.
L’auteur fouille la carrière de son sauveur, l’histoire de la médecine, le fonctionnement du cœur, le développement de la chirurgie cardiaque, les obstacles techniques à franchir, les relations dans une équipe et un service de chirurgie, l’organisation d’une opération, les avancées et les échecs, le sort des premiers opérés, mais aussi la vie personnelle du grand chirurgien, son appartement, sa maison dans le midi, son emploi du temps, ses relations, ses hobbys. Et c’est toute une époque de la médecine française qui ressurgit.
On ne peut qu’être étonné par ce qu’était la capacité d’initiative d’un grand patron de chirurgie à cette époque-là. François de Gaudard d’Allaines, le précurseur, « décida de lancer à Paris la chirurgie cardiaque dans son service de chirurgie digestive ». Et il fit ce qu’il avait décidé sans que personne ne l’arrête ! Alors que le milieu hospitalier d’après-guerre était « plutôt conservateur », précise Olivier Haertig. Et en embarquant dans l’aventure Charles Dubost son ancien chef de clinique. Pour organiser le premier service de chirurgie cardiaque ils s’adresseront à l’hôpital Marie Lannelongue que son statut particulier mettait à l’abri des « lourdes procédures budgétaires » de l’Assistance Publique. Et pour financer une partie du centre de chirurgie cardio-vasculaire de l’hôpital Broussais et rendre le projet difficile à enterrer ils mobiliseront la radio Europe n°1 qui déclenchera un grand mouvement de générosité de ses auditeurs !
Pour Olivier Haertig « l’hôpital qu’a connu Charles Dubost était fort différent de ce qu’il est aujourd’hui ». L’auteur condamne sans appel l’inflation des gestionnaires et l’obsession du contrôle de gestion à l’hôpital. À son avis elle brime les initiatives et démotive les soignants en négligeant la dimension humaine fondamentale de leur relation avec les patients.
Dans ce retour en arrière vers l’hôpital d’hier il y a peut-être quelques bonnes idées à piocher pour l’hôpital de demain…
*Charles Dubost pionnier de la chirurgie cardiaque, par Olivier Haertig ; Éditions Glyphe.