Si l’Egypte devait « s’écrouler », « imaginez les dégâts ». L’Egypte c’est 90 millions d’habitants, 120 millions très bientôt. Deux ou trois pays voisins suivraient immédiatement.
Ce passage d'Ehad Badawi, Ambassadeur d’Egypte, devant le Club des Vigilants le 30 mars 2016 était sans doute le moment clé de ces riches échanges avec ce proche du Président Sissi, dont il a été le porte-parole.
Pour bien marquer la différence avec la Syrie, l’Irak ou la Lybie l’ambassadeur a insisté sur l’ancienneté de l’Etat égyptien et du sentiment national égyptien. Ce « n’est pas un Etat tribal ». C’est ce sentiment national et cette habitude d’un Etat respectable, avec des traditions, qui aurait rendu insupportable aux Egyptiens le premier gouvernement issu de la révolution de 2011 : celui du Président Morsi, largement dominé par les Frères musulmans. C’étaient « des amateurs », ils n’avaient « pas l’air d’un gouvernement » et ils étaient « Frères musulmans avant d’être Egyptiens ». Les Egyptiens auraient voté pour eux parce qu’ils n’avaient pas de vrai choix. Leur renversement n’aurait donc pas été le résultat d’un coup d’Etat mais d’une sorte de sursaut national qui s’est traduit par un score de plus de 90% quand le nouveau Président s’est présenté devant les électeurs
En reste une conviction : « les islamistes modérés, cela n’existe pas ». Aujourd’hui les Frères musulmans – sévèrement réprimés – seraient « quelques centaines de milliers ». Des femmes entièrement voilées on n’en voit pas moins, mais pas plus. Et c’est souvent pour ne pas être embêtées, suggère l’ambassadeur. Les « vrais terroristes » sont concentrés dans une zone bien définie du Sinaï. Longtemps ce pays « qui ne doit pas s’écrouler » a été considéré comme un pays clé par les Etats-Unis. Mais cette fois-ci, quand l’Egypte a demandé des hélicoptères Apache pour venir à bout de ce réduit terroriste du Sinaï, elle n’a pas été livrée. Maintenant l’Egypte « s’intéresse aux Etats-Unis autant que les Etats-Unis s’intéressent à l’Egypte ». La relation avec d’autres, comme la France, devient fondamentale.
L’Egypte achète à la France des Rafale et autres frégates mais se fournit aussi auprès de la Russie.Pour autant l’ambassadeur fait tout pour donner l’image d’un pays pacifique, qui ne cherche qu’à éviter la guerre. L’Ethiopie projette un immense barrage qui pourrait tarir le Nil, toujours aussi essentiel pour la vie de l’Egypte ? Pas de réponse agressive. L’Egypte souhaite que l’Ethiopie se développe ; elle met seulement son voisin en garde sur les risques que ferait courir un tel ouvrage aux pays de la région s’il n’était pas assez solide. Et elle demande qu’il ne soit rempli que très progressivement (en six ans au moins, dix ou douze serait l’idéal). L’Arabie Saoudite fait la guerre au Yémen ? L’Egypte n’aime pas la guerre, n’est pas d’accord avec la confrontation entre chiites et sunnites. Elle se contente de défendre ses intérêts nationaux, c’est à dire la liberté de navigation en mer rouge, sur la route du canal de Suez, en déployant une force navale
Parmi les défis que doit affronter l’Egypte, dans lesquels figure en bonne place la situation chaotique de la Lybie voisine, il ne faut pas oublier les aspirations des Egyptiens eux-mêmes. L’ambassadeur en donne l’image d’un peuple « dorloté » par un Etat très présent. On sait notamment le poids considérable des subventions diverses dans les finances du pays. Le pain est tellement peu cher qu’on en donne aux canards ; l’eau ne coûte pas assez cher pour qu’on paye un plombier pour réparer les fuites. Le gouvernement du maréchal Sissi a osé réduire les subventions sur l’essence. Il n’ose pas vraiment suggérer aux Egyptiens de faire un peu moins d’enfants. D’autres sujets ont été abordés : les antiquités et le futur musée du Caire, la place des femmes, etc.
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