2017 : millénarisme vs progressisme

Cela fait un moment que la contestation ne porte plus sur la loi sur le travail. La loi est la substance qui provoque la catalyse, c’est-à-dire l’accélération et l’approfondissement des tensions sociales dont on voit depuis quelques jours se développer une forme violente.

Une forme en particulier domine : une violence organisée et théorisée qui assume la stratégie de la tension. La stratégie de la tension est un projet radical qui veut provoquer le chaos pour « changer la donne ». Elle pose comme principe que le respect de la légalité ne permet pas de renverser le rapport de force. Pour ses  promoteurs l’addition de manifestations de masse et de la radicalité est le cocktail rêvé.

Au-delà des récriminations médiatiques et des postures d’autorité, on peut s’étonner, comme le faisait le sociologue Raymond Boudon, de la tolérance française pour la démonstration de rue et la pression physique. Elle vient d’une longue tradition intellectuelle faite de fascination pour la violence, d’une capacité unique à se déchaîner par adhésion à une vision théorique du monde et de la croyance sincère dans le mythe du grand soir. En France nombreux sont ceux qui adhèrent encore à la prophétie millénariste de Marx : un ordre social nouveau, qui sera sans commune mesure avec tous les ordres sociaux connus, viendra lorsque l’on sera guéri de la maladie infantile du capitalisme. D’autres, également nombreux, ont abandonnés l’illusion, ils se contentent de haïr l’avatar libéral du capitalisme et d’invectiver le présent.

Le ratage politique qui aboutit à laisser tant de place aux mouvements millénaristes et violents saute aux yeux mais, soyons lucides, il dépasse de beaucoup la responsabilité du gouvernement actuel. C’est le ratage d’une société où les rentes intellectuelles, politiques, syndicales et patronales sont, depuis longtemps, construites sur l’absence de confiance. Une autre façon d’exprimer cette réalité est d’observer la pression permanente, voire le dénigrement, que subissent les forces réformistes, celles qui croient au cours de l’histoire et à l’âpreté, parfois lassante, du progrès continu.

A la veille d’un nouveau cycle électoral présidentiel il faut se battre pour mettre l’esprit de réforme au centre du jeu ; cela dépasse les questions individuelles. Il faut être diligent parce que de la violence nait le chaos et davantage de violence, rarement le grand soir.

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